Le 12 novembre, l’Adan organisait un webinaire pour présenter les résultats de son enquête sur les relations entre le secteur bancaire et financier et l’industrie crypto-blockchain

Lors de cette conférence en ligne, qui a attiré une cinquantaine de professionnels du secteur, Simon Polrot, Président de l’Adan, et Faustine Fleuret, Directrice Stratégie et Relations institutionnelles de l’Association, ont récapitulé les principaux apprentissages de cette enquête. 

L’Adan a également reçu Quentin de Beauchesne, cofondateur d’Ownest et Président d’AssoCryptoFR. Il a présenté l’enquête réalisée en 2019 qui fait état des relations qu’entretiennent les utilisateurs de cryptomonnaies en France avec leurs banques – elles sont encore nombreuses, avec des fermetures de comptes constatées dans la quasi-intégralité des banques françaises (plus de 600 répondants).

Pour les professionnels, le bilan présenté dans le rapport de l’Adan est lourd : délais d’entrée en relation exagérément longs, impossibilité d’ouvrir un compte, inefficacité du dispositif de « droit au compte ». Cette situation persiste depuis près d’une dizaine d’années, malgré la volonté du secteur de dialoguer avec les acteurs bancaires et financiers, de comprendre les blocages et de les résoudre.

Les PSAN et le droit au compte

L’une des problématiques remontées lors du webinaire fut, en effet, la difficulté d’accès au dispositif de « droit en compte », qui consiste en une désignation d’office, par la Banque de France, d’un établissement bancaire qui est tenu d’ouvrir un compte à la société le requérant. Depuis l’arrivée de la loi PACTE en 2019, une procédure de droit au compte spécifique aux PSAN a vu le jour. Malheureusement, les acteurs qui souhaitent y faire appel se retrouvent dans une boucle – l’accès au statut de PSAN nécessitant lui-même un compte bancaire, ce dispositif leur est totalement inaccessible. De plus, l’expérience a montré que les PSAN ayant réussi à s’enregistrer n’arrivent pour autant pas à bénéficier de compte bancaire. 

En outre, même si le dispositif de droit au compte est un recours nécessaire pour les professionnels, il ne s’agit pas d’une solution. Les comptes octroyés dans le cadre de cette démarche sont extrêmement limités en termes de fonctionnalités et d’accès aux services basiques comme la banque en ligne et les moyens de paiement. 

Le climat de défiance qui règne dans le secteur bancaire et financier, vis-à-vis de l’écosystème crypto, se fonde notamment sur des préjugés tenaces sur l’absence d’encadrement réglementaire des acteurs, les risques de leurs activités pour la sécurité financière, et la crainte de sanctions. Or les acteurs crypto, notamment les PSAN, sont des entités réglementées et soumis aux mêmes exigences en matière de lutte contre le blanchiment et le finacement du terrorisme (LCB-FT) et de diligence que les autres acteurs financiers. Ce système à deux vitesses est très dommageable, alors que l’enregistrement et l’agrément PSAN sont encadrés par la réglementation sous l’autorité de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

La réponse des autorités et institutions

L’Adan participe de manière active à de nombreux groupes de travail avec les principales autorités concernées par la problématique, notamment, l’ACPR, l’AMF, la Banque de France et la Direction Générale du Trésor (DGT). La résolution du problème de l’accès au compte, et plus généralement des difficultés que rencontrent les acteurs crypto face aux acteurs traditionnels financiers fut parmi les premiers travaux menés par l’Adan avec ces autorités ; elles sont aujourd’hui parfaitement conscientes du problème et œuvrent à trouver des solutions. 

En revanche, en ce qui concerne les institutions bancaires et financières et les organismes qui les représentent, les retours varient. Elles sont généralement moins ouvertes au dialogue et pro-actives que les autorités dans la résolution de problèmes rencontrés par les acteurs crypto. 

Les principaux crypto-débutés, quant à eux, sont très à l’écoute et en demande de suivi sur ce sujet.  Ils portent d’ailleurs les mêmes messages que l’Adan dans leur propres échanges auprès des institutions financières.

Vers une banque crypto-native ?

Verrons nous bientôt des acteurs crypto se mobiliser pour créer une banque « crypto friendly » ? C’est la question que pose l’un des participants. Effectivement, les acteurs du secteur crypto paraissent suffisamment mûrs pour créer les services qu’ils sont contraints de demander aux banques, mais cela est bien évidemment plus complexe qu’il n’y paraît.  

En réalité, cette idée circule depuis un certain temps dans l’écosystème et au sein de l’Adan. Si l’idée de créer une banque « pour l’industrie et par l’industrie » est attrayante, la création d’un nouvel acteur bancaire reste largement inaccessible aux acteurs du secteur. 

Sans parler de maturité, se pose d’abord la question réglementaire. L’obtention des autorisations nécessaires à la délivrance de services bancaires, notamment le statut d’établissement de crédit et celui d’établissement de paiement, représentent des démarches qui peuvent s’avérer extrêmement lourdes et très coûteuses pour des acteurs de taille relativement petite. C’est surtout pour cette raison que la création d’une nouvelle banque par un ou plusieurs acteurs crypto est difficile à envisager. 

Les acteurs crypto de plus en plus hors du système traditionnel

Depuis un certain temps, on constate une tendance se dessiner qui laisse penser qu’une alternative au système financier traditionnel est possible. De plus en plus d’acteurs natifs crypto n’ont pas de compte bancaire et ne cherchent pas à en ouvrir. La maturité de l’écosystème rend possible une majorité des opérations nécessaires au bon fonctionnement d’une entreprise (conservation de fonds grâce aux stablecoins, outils de prêts sur crypto, prestataires qui acceptent les paiements en crypto, etc.) Cette tendance de « dogfooding », consistant à utiliser ses propres produits, se répand dans l’écosystème et nous donne espoir sur la viabilité d’une alternative au schéma financier traditionnel. Cela donne d’autant plus de sens aux actifs numériques, aux cryptomonnaies et à la DeFi.

Des signaux encourageants à long terme

Les derniers échanges que l’Adan a pu avoir avec les acteurs bancaires, les régulateurs et les institutions de la place financière sont cependant encourageants. A l’heure où l’Europe se dote d’un régime réglementaire complet qui va achever l’institutionnalisation du secteur, chacun est conscient que les crypto-actifs sont bien installés dans le paysage financier. A force de pédagogie, les sceptiques peuvent alors devenir des alliés pragmatiques. Certains signaux laissent à penser que le processus est bien engagé en France. Il n’est clairement pas suffisamment rapide pour le développement optimal du secteur en France. Nous espérons que cette enquête et ce compte-rendu contribueront à ces efforts !

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