L’Association pour le développement des actifs numériques (ADAN) a officiellement célébré son lancement le vendredi 6 mars lors d’une conférence et d’un cocktail organisés dans les locaux de Bpifrance à Paris.

Les membres de l’ADAN

A l’occasion de cet évènement, l’ADAN, ses membres et son équipe sont ravis d’avoir pu accueillir tant les acteurs du monde des actifs numériques que ceux des banques et marchés financiers traditionnels. L’Association remercie Stéphanie Cabossioras de l’Autorité des marchés financiers (AMF), Timothée Huré de la Direction Générale du Trésor (DGT), Andrés Lopez Vernaza de la Banque de France et Nicolas Pouard d’Ubisoft pour leur participation au panel débat, que les membres du public ont suivi avec grand intérêt. L’Association est également reconnaissante à Bpifrance pour son accueil chaleureux au sein de son Hub.

Faustine Fleuret (ADAN), Andrés Lopez Vernaza (Banque de France), Stéphanie Cabossioras (AMF), Timothée Huré (DGT), Nicolas Pouard (Ubisoft), Simon Polrot (ADAN)

Présentation introductive de Simon Polrot, Président de l’ADAN

Dans le cadre d’une introduction générale, Simon Polrot, Président de l’ADAN, a présenté la vision des actifs numériques et la mission portée par l’association. L’occasion de rappeler la grande diversité de ces actifs et de leurs cas d’usage, depuis le bitcoin jusqu’au titres financiers, mais aussi de brosser en quelques traits un futur possible pour leur développement.

Compte-rendu du panel-débat

L’Autorité des marchés financiers (AMF), la Banque de France, la Direction Générale du Trésor (DGT) et Ubisoft ont unanimement salué la création de l’ADAN. Ils partagent la vision de l’Association sur la transformation en cours et à venir des actifs numériques et du système bancaire et financier traditionnel.

Propos généraux

« [Nous sommes] ravis d’avoir des acteurs qui sont là pour relayer les messages, nous aider à comprendre, et faire avancer ces beaux projets d’actifs numériques »

— Timothée Huré, Direction Générale du Trésor (DGT)

L’AMF a la conviction que la blockchain est une technologie d’avenir et qu’elle va donner naissance à de nombreux usages innovants, et notamment dans le monde financier. L’AMF souhaite accompagner le développement de ces nouvelles activités et promouvoir l’émergence de champions français d’ampleur mondiale. Pour cela, depuis plusieurs années, l’AMF actionne deux grands leviers : la réglementation (protection des utilisateurs) et l’accompagnement des porteurs de projet.

La DGT se félicite de la structuration continuelle de l’industrie, encouragée très tôt par l’AMF et aujourd’hui rassemblée autour de l’ADAN. Pour faire face à des enjeux qu’elle juge très stimulants mais très complexes car très loin de la base de la DGT (traiter des actifs non fongibles, de structures décentralisées, etc.), l’expertise des acteurs est nécessaire pour aider à comprendre et faire avancer ces projets.

Selon Ubisoft, l’industrie du jeu vidéo est dans l’attente d’une régulation claire pour avancer sur ces sujets confortablement.

La Banque de France est très impliquée sur les sujets depuis des années : elle mène des expérimentations au sein de son Lab et a déployé la première blockchain de banques centrales au niveau mondial. La blockchain et les actifs numériques sont regardés avec attention pour les intérêts qu’ils présentent vis-à-vis des missions menées par la Banque de France : la stratégie monétaire, la stabilité financière et les services à l‘économie.

La réglementation

« Tout comme les autorités françaises ont eu la grande intelligence d’associer l’industrie à leurs travaux et ce depuis le tout début des débats réglementaires, il faut qu’au niveau européen les acteurs soient invités à participer à la construction du cadre communautaire. »

—  Faustine Fleuret, ADAN

L’évènement de lancement de l’ADAN est l’occasion pour l’AMF d’annoncer la publication le jour même son analyse juridique sur l’application de la réglementation financière applicables aux security tokens[fn]https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/communiques/communiques-de-lamf/lamf-publie-une-analyse-juridique-approfondie-de-lapplication-de-la-reglementation-financiere-aux[/fn]. Cette analyse fait suite à la consultation de l’AMF lancée en septembre, qui remercie les acteurs pour leurs contributions. En passant en revue toute la réglementation financière, l’AMF en tire les grandes conclusions suivantes :

  • La réglementation européenne n’empêche pas l’émission de security tokens : pas besoin d’évolution législative
  • L’inscription des security tokens non cotés dans des fonds d’investissement est également possible, grâce à l’ordonnance blockchain qui permet l’inscription de titres non cotés dans la blockchain
  • Concernant l’échange de security tokens. Le régime MIF 2 n’empêche pas le développement de plateformes de négociation de ces tokens. En marge de la note d’analyse, l’AMF publie également sa position sur le recours aux tableaux d’affichage, pour les security tokens comme pour les autres instruments financiers. En revanche, le règlement CSDR pose problème en l’état actuel car il rend impossible le règlement-livraison de ces tokens.

L’AMF propose la création, au niveau européen, d’un mécanisme d’exemption à certaines exigences réglementaires — précisées dans l’analyse de l’Autorité (notamment les obligations de CSDR) — pour les acteurs en contrepartie de garanties suffisantes, visant à lever ces blocages identifiés. L’objectif est de laisser les projets se développer afin de déterminer, avec le recul nécessaire, la réglementation adaptée à mettre en place.

L’ADAN salue la création de ce Lab digital qui apparaît comme la solution optimale pour créer un cadre réglementaire proportionné et efficace pour les activités sur actifs numériques. La base de cette expérimentation nécessite néanmoins de considérer la création d’un stablecoin européen.

Stablecoins et monnaies digitales de banques centrales

« La monnaie digitale de banque centrale, par essence, c’est la pureté des stablecoins ! »

— Andrés Lopez Vernaza, Banque de France

La Banque de France a publié de nombreux working papers (dont un le jour de l’évènement[fn]https://publications.banque-france.fr/stablecoins-le-meilleur-des-mondes[/fn]) sur les stablecoins et réfléchit activement au sujet, notamment concernant les impacts de ces nouveaux “actifs stables” : conséquences économiques, sur la politique monétaire, sur la souveraineté monétaire, etc. La Banque de France constate le gain de maturité sur les sujets des stablecoins et des monnaies digitales de banques centrales (MDBC), et perçoit une meilleure définition des cas d’usage utiles par et pour les acteurs. Afin d’en discuter avec l’industrie, la Banque de France invite les acteurs à répondre à son appel à expérimentation qu’elle publiera d’ici à la fin du mois. A ce stade, la Banque de France se focalise sur le cas “MDBC de gros”.

Ubisoft s’intéresse beaucoup aux stablecoins “privés” de détail (ou “retail”). Dans le contexte de l’industrie du jeux vidéo, l’expérience utilisateurs est centrale : or les stablecoins leur semblent plus accessibles que les MDBC et les cryptomonnaies.

Grâce à l’association de jetons à des objets (on parle d’actifs numériques uniques ou NFT), la blockchain permet de programmer des comportements et d’échanger ces jetons en vue de créer une liquidité nouvelle. Or la généralisation des paiements via les cryptomonnaies semble limitée : la volatilité intrinsèque des bitcoins, des ERC 20, etc. les rend plus difficiles d’accès.

Le besoin de stabilité n’est pas seulement nécessaire à l’industrie du jeux ou aux interactions bancaires. L’idéal pour la DGT est d’avoir un règlement-livraison de titres financiers qui se fasse uniquement sur la blockchain (pour éviter de dupliquer les infrastructures) : il faut donc avoir un actif de valeur stable, mais également autoriser le règlement-livraison de titres au-delà du seul cadre franco-français. Or le chantier sur les titres cotés est un chantier européen.

La France avait d’abord lancé des signaux très négatifs à la suite de l’annonce du projet Libra. La DGT rappelle les sources d’inquiétude rationnelles que peuvent poser les stablecoins, notamment s’agissant des réserves monétaires de ces jetons et des arbitrages utilisés pour stabiliser les taux de change. Le principal facteur aggravant est la masse des utilisateurs, car plus celle-ci est grande plus les risques inhérents aux stablecoins sont décuplés : par exemple celui du blanchiment de capitaux et de financement de terrorisme. Or les travaux récents pour adapter les exigences réglementaires en la matière n’ont pas pris en compte l’émergence de jetons stables d’une telle portée. Cependant, la vertu des initiatives telles Libra est d’avoir remis en évidence les besoins légitimes de l’industrie et des particuliers (pour des paiements transfrontaliers plus faciles et moins chers) et relancé les travaux des banques centrales en vue d’y répondre.

Les enjeux européens

« La France est perçue comme un pays pionnier : on a des projets sérieux, une réglementation solide, et des autorités expertes. »

— Stéphanie Cabossioras, Autorités des marchés financiers (AMF)

L’ADAN rappelle l’importance de mener de front, en France et au niveau européen, l’ensemble des problématiques réglementaires rencontrées par l’industrie des actifs numériques. La consultation en cours de la Commission européenne[fn]https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/business_economy_euro/banking_and_finance/documents/2019-crypto-assets-consultation-document_en.pdf[/fn] sera très structurante afin d’ancrer l’avance et l’expertise acquise par les acteurs français (tant privés que publics). Les réflexions sur les stablecoins doivent continuer, et être approfondies notamment sur des aspects lacunaires des analyses menées à ce stade comme le traitement réglementaire différencié selon le mécanisme de stabilisation sous-jacent (alors que les crypto-collateralised et les algorithmic stablecoins n’ont pas du tout été étudiés à ce jour). Les travaux sur l’encadrement des actifs numériques en matière de lutte anti-blanchiment et de financement du terrorisme constitueront également un chantier de longue haleine au niveau européen, même si l’urgence prévaut davantage en France dans le contexte de l’évaluation en cours du GAFI et la perspective d’une législation par le gouvernement d’ici la fin du semestre. Enfin, l’ADAN suivra de près et supportera l’idée du Lab digital que porte l’AMF, en vue des grands travaux à mener au niveau de l’Union européenne concernant la réglementation des security tokens. Il faut souhaiter qu’à l’instar des autorités françaises, les autorités européennes travaillent en bonne intelligence et de concert avec l’industrie des actifs numériques en vue de bâtir un socle réglementaire européen harmonisé, solide, proportionné et efficace.

L’AMF invite les acteurs à participer à la consultation de la Commission européenne, qui est très ouverte et connaît déjà la légitimité de l’écosystème français dans les débats réglementaires. Il faut absolument asseoir la crédibilité de la France dans les discussions en cours et à venir au niveau de l’Union européenne.

Ubisoft met en exergue d’autres enjeux européens, comme l’identité digitale et la création de valeurs digitales. En marge de la réglementation, il ne faut pas oublier les autres piliers de l’adoption des actifs numériques par les utilisateurs.

Lever les blocages au développement des actifs numériques en France

« L’une des missions de l’ADAN, c’est peut-être que l’année prochaine il y ait trop de candidats qui souhaitent participer à ce panel ! »

— Simon Polrot, ADAN

« Il faut essayer de se projeter, de penser tout ce que cette technologie qui démultiplie la capacité de transactions peut avoir comme impacts sur les interactions humaines. »

— Nicolas Pouard, Ubisoft

Si les incertitudes et freins réglementaires ont déjà largement été évoqués, l’ADAN souligne les autres leviers qu’il faut actionner dans les années à venir en vue de surmonter les principaux obstacles à l’épanouissement du secteur français de la blockchain et des actifs numériques : des efforts de pédagogie maintenus et soutenus envers certains acteurs de l’écosystème traditionnel et la nécessité d’assainir les relations entre ces deux mondes, dont les synergies sont au contraire très positives ; une meilleure adéquation de l’offre de formation aux besoins actuels et à venir des entreprises blockchain ; le déblocage des investissements et des financements pour accompagner le développement du secteur et son ambition internationale ; et enfin, la fin de la frilosité actuelle que l’industrie présente dans sa globalité s’agissant de s’exprimer sur leur vision des actifs numériques.

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