Depuis plusieurs années, Bitcoin et la plupart des autres crypto-actifs font régulièrement l’objet de controverses concernant leur coût énergétique. 

L’exemple le plus récent en est l’annonce en mai dernier d’Elon Musk. Ce dernier annonçait retirer le bitcoin comme moyen de paiement pour les voitures Tesla en raison de l’utilisation trop importante d’énergies carbonées par les mineurs du réseau. Une telle décision a grandement relancé le débat sur la consommation énergétique de Bitcoin et des crypto-actifs en général.

Cependant, ces critiques manquent parfois de précision. En effet, tel que relaté dans notre précédent article impacts et enjeux écologiques des technologies blockchains, l’empreinte écologique des technologies blockchain est directement liée à leur fonctionnement et plus particulièrement au  protocole de consensus proof of work.   

Cet état de fait met en exergue la nécessité de poursuivre les initiatives permettant d’optimiser le coût énergétique des crypto-actifs. Dans cette optique, de nombreux projets ont déjà pris à bras-le-corps la réduction du coût environnemental des crypto-actifs. 

Le présent article présente succinctement ces différents cas d’usage de la blockchain qui viennent aider à la transition écologique et des projets qui tentent d’optimiser le proof-of-work,  sans remettre en cause la consommation énergétique de l’industrie crypto-blockchain.

L’intérêt grandissant des projets blockchain dans la transition énergétique 

La réduction des déchets électroniques

La réduction des déchets électroniques constitue un enjeu majeur du développement durable. D’après un rapport publié par The Global e-waste statistics partnership, chaque année, le volume total d’équipements électriques et électroniques utilisé dans le monde augmente de 2,5 millions de tonnes. La production d’outils électroniques à destination des industries technologiques (IA, Machine Learning, Deep Learning, Big Data, …) a un coût environnemental imposant. Il en va de même pour la production des objets numériques utilisés au quotidien. La production d’un ordinateur de 2 kg consomme 600 kg de matière première et produit 103 kg de CO2.

Les technologies blockchain apparaissent comme un outil efficace pour assurer la réduction du volume de déchets électriques et électroniques produits. iExec crée un réseau décentralisé de partage de puissance de calcul sur lequel tout un chacun peut devenir fournisseur en y branchant sa machine (ordinateur, smartphone, tablette). Cela permettrait, à terme, d’exploiter tout le parc « hardware » existant et ainsi réduire l’impact environnemental des objets numériques.

La transparence de la chaîne logistique et de l’approvisionnement

Les réseaux blockchain publics permettent une réelle transparence lorsque utilisés dans les chaînes logistiques. Cela comporte plusieurs avantages, tels que le suivi simple pour le consommateur final, lui donnant plus de pouvoir de décision, ou encore une réduction importante de la fraude. En 2019,  l’AAC (Administrative Assistance Cooperation system) – une plateforme permettant aux pays de l’UE d’échanger des informations relatives, notamment, au non respect ou à la violation des accords européens sur la chaîne d’approvisionnement de la nourriture et de l’agriculture – a reçu 292 requêtes d’assistance sur de la fraude alimentaire au sein de l’UE. TEO, un projet français, permet de réduire la fraude en certifiant la provenance d’énergie verte. Son réseau décentralisé et ses capteurs placés sur les sources de production (éoliennes, panneaux photovoltaïques) garantissent l’authenticité des données de production. En 2020, Tampax s’est associé au projet Treum qui a permis au consommateur final de s’assurer de la traçabilité des tampons. En scannant le code-barre, la provenance du coton des tampons est affichée. Cette transparence est un outil de pression pour le consommateur désireux de produits éco-responsables. Ownest, entreprise française, permet d’avoir une transparence complète des réseaux logistiques grâce à l’utilisation de tokens de responsabilités. Elle permet donc à ses utilisateurs d’éviter les pertes et négligences sur leurs réseaux, pertes qui ont un fort coût écologique.

La décentralisation de l’approvisionnement électrique

La production électrique connaît un changement de paradigme important. Auparavant fortement centralisée, de plus en plus de petits producteurs sont aujourd’hui capables de produire de l’électricité grâce à la démocratisation de l’accès aux panneaux solaires. La décentralisation qu’apportent les technologies blockchain assurera la création de réseaux de distribution d’électricité décentralisés permettant aux utilisateurs d’être producteurs et consommateurs et de réduire le trajet de cette distribution. Dans ce contexte, deux voisins pourraient s’envoyer et recevoir respectivement de l’électricité. Au Canada, Alectra Utilities a mis en place un projet pilote avec la blockchain Hyperledger d’IBM pour s’essayer à l’électrification décentralisée. En France, Talium a également créé un service d’auto-consommation collective d’énergie photovoltaïque. 

En mai, la société australienne Power Ledger a annoncé un partenariat avec Thai Digital Energy Development pour créer une plateforme d’énergie numérique de pair à pair basée sur la blockchain dans le pays.  Cette plateforme basée sur la technologie blockchain facilitera le recours aux énergies renouvelables en assurant la commercialisation de produits environnementaux (crédits de carbone et certificats d’énergie renouvelable) et la vente d’énergie de pair à pair (P2P).

La tokenisation des quotas-carbone

L’Union européenne a créé en 2005 un système communautaire d’échanges des quotas d’émission (EU ETS), permettant aux entreprises d’acheter ou de vendre des quotas d’émission en fonction de leur production de CO2. Les grandes entreprises consommatrices d’énergies constituent les principaux clients de ces EU ETS. Le projet CO2IN, encore en version pilote, veut permettre aux citoyens, petites entreprises et municipalités, de pouvoir acheter des EU ETS, leur donnant ainsi un outil afin de compenser leur impact sur le réchauffement climatique.

En outre, les marchés sur lesquels ces quotas sont échangés manquent parfois de visibilité et font face aux variations législatives d’un État à un autre. ClimateTrade atténue ces problématiques et tokénise les crédits de carbone pour qu’ils soient plus facilement négociés par les entreprises émettrices. 

L’optimisation progressive de la consommation énergétique liée au mining

La réutilisation de la chaleur émise par les ordinateurs de minage 

MintGreen a pour ambition d’améliorer l’empreinte environnementale de Bitcoin grâce à divers partenariats. L’entreprise compte en effet construire des mines de Bitcoin à proximité d’entreprises qui utiliseraient la chaleur produite par le minage. Le projet pilote a déjà signé deux partenariats avec un producteur de sel marin, ainsi qu’une distillerie. Pour mener à bien leurs activités, ces deux sociétés ont nécessairement besoin de chaleur. Dès lors, la chaleur produite par le mining est recyclée en eau chaude afin d’être transmise aux partenaires de MintGreen. 

En outre, WiseMining développe une chaudière qui recycle la chaleur émise par les appareils de minage. Ces chaudières appelées “Sato” seront compatibles avec les modèles de cartes graphiques existantes et futures. La société souhaite ainsi participer à l’avènement d’une nouvelle génération de mineurs décentralisée, et se distinguer des mines industrielles centralisées qui ne réutilisent pas toujours la chaleur émise par les appareils de minage. 

La décentralisation du mining

La décentralisation de l’approvisionnement électrique pour le mining sera aussi exploitée par Daymak, un fabricant canadien de véhicules électriques légers. En effet, Daymak a récemment annoncé Spiritus, sa prochaine voiture électrique qui sera dotée de sa propre infrastructure de minage. 

Daymak Spiritus intégrera la technologie Daymak Nebula, composée de Nebula Wallet (une application avec un portefeuille directement intégré) et Nebula Miner (une infrastructure de mining directement intégrée dans le véhicule). In fine, la suite cryptographique de Daymak transformera ses véhicules en “nœuds cryptographiques respectueux de l’environnement une étape sans précédent dans l’évolution rapide des technologies blockchain« .

L’utilisation d’une électricité verte afin de réduire l’empreinte environnementale du mining

Initiatives étatiques 

Le 9 juin, le président du Salvador, Nayib Bukele, a annoncé qu’il proposerait un projet de loi visant à donner un cours légal au Bitcoin.

La reconnaissance du Bitcoin en tant que monnaie à cours légal n’est pas la seule initiative du Salvador dans le secteur des crypto-actifs. En effet, lors d’un récent tweet, Nayib Bukele a informé que le Salvador souhaite mettre en place un plan visant à offrir des installations pour le minage de bitcoins avec une énergie très bon marché, propre et renouvelable, émise par les volcans. 

Pour miner rapidement et efficacement ses premiers bitcoins grâce à l’énergie géothermique dégagée par ses volcans, l’État du Salvador aura recours aux services de la société de minage BigBock Datacenter.

Initiatives privées

D’après le CBECI, chaque année, 25 082 TWh d’énergie électrique sont produits dans le monde. Or, 16,82 % de cette énergie n’est pas utilisée. Dans ce contexte, l’utilisation de cette énergie pour le minage permet de lutter efficacement contre le gaspillage d’énergie. Jusqu’à peu, la plupart des mineurs étaient établis en Chine dans la région du Sichuan. L’énergie utilisée par ces mineurs provenait en grande partie de l’éolien, du solaire et surtout de l’hydroélectricité. 

A la suite des mesures répressives prises par le gouvernement chinois, l’exode récent des mineurs établis en Chine semble redistribuer les cartes de l’industrie du mining mondial. Les nouveaux pools de minages pourraient favoriser massivement l’utilisation d’énergies renouvelables renouvelables ce qui contribuerait à l’amélioration de l’empreinte carbone de Bitcoin. 

Depuis 2017, le Virunga, une région située en République Démocratique du Congo, s’est équipé de centrales hydroélectriques qui permettront, à terme, de subvenir aux besoins de la région et de lutter contre la déforestation du Virunga (deuxième parc forestier mondial après l’Amazonie). Ces centrales sont aujourd’hui en surcapacité de production due au peu de développement économique de la région. BigBlock Data Center a installé une ferme s’approvisionnant dans les centrales hydroélectriques, permettant à celles-ci d’amortir une partie de leurs frais.

Conclusion

En synthèse, il convient de nuancer l’idée selon laquelle les développeurs de projets blockchain ne prennent pas en compte les enjeux liés à la transition écologique En effet,les produits de certains projets blockchain s’intéressent aux projets futurs liés à la transition écologique. Les réseaux blockchain, ouverts et décentralisés, représentent une réelle opportunité pour le développement d’initiatives écologiques innovantes en facilitant la distribution d’éléctricité de pair à pair par exemple. 

Par ailleurs, la consommation énergétique de certains réseaux blockchain reposant sur le proof of work a mené à l’émergence  d’initiatives visant à améliorer l’empreinte carbone liée au minage et proposer des alternatives plus vertes. A titre d’exemple, la société Bigblock Datacenter s’est intéressée au surplus d’énergie renouvelable présent dans certaines zones géographiques afin de faciliter un minage décarboné.

A terme, l’utilisation croissante des technologies blockchain permettra d’optimiser l’approvisionnement en énergie sur toutes les zones géographiques afin de lutter contre le gaspillage lié à la surproduction d’énergie dans certaines zones terrestres. 

 

Cet article a été rédigé par Bettina Boon Falleur et Hugo Bordet